En ce début d’année 2019, nous vous proposons de faire un état des lieux de la scène Hardmusic et de son impact dans le monde de la musique électronique. Lors d’une série d’articles, nous ferons le point, région par région, sur l’implantation et l’évolution de la Hardmusic jusqu’en 2018.
Commençons par l’Europe, véritable berceau de la Hardmusic.
Les Pays-Bas, la Belgique et l’Italie : les pays précurseurs de la Hardmusic
Ces trois pays sont effectivement les véritables pays fondateurs de la Hardmusic.
Les Pays-Bas tout d’abord sont à l’origine de la Hardmusic. C’est dans ce pays que le Hardcore est né et qu’une véritable culture Hardmusic a pu émerger. La culture Gabber a déjà permis à la fin des années 1990 de créer une véritable identité liée au Hardcore mais allant bien au-delà de la musique, ce qui montrait la puissance et le pouvoir fédérateur de cette musique. Puis vers les années 2003-2005, des artistes comme The Prophet, Donkey Rollers ou encore The Pitcher ont développé les prémices du Hardstyle qui n’a cessé de changer et de se développer depuis. Via des artistes comme Headhunterz, Noisecontrollers ou Wildstylez, le Hardstyle dit Nu-Style a ensuite permis au Hardstyle d’être de plus en plus diffusé et sollicité aux Pays-Bas auprès du grand public. Dans le même temps, des organisations comme ID&T ou Q-Dance, et leurs events comme Thunderdome, Qlimax ou Defqon.1 qui sont devenus avec le temps de véritables lieux de pèlerinage pour les passionnés de Hardmusic, ont permis de structurer la Hardmusic aux Pays-Bas afin d’en faire un véritable business.
Quant à la Belgique, elle a également eu un rôle précurseur pour promouvoir la Hardmusic depuis le début des années 2000. Tout d’abord en hébergeant plusieurs Qlimax en lien avec Q-Dance ou encore des événements comme Bassleader, Reverze ou encore The Qontinent via l’organisation Bass Events. Cela a permis de créer une véritable communuauté Hardmusic belge solide. La tekstyle, sous-genre de la Hardmusic souvent associé au Jumpstyle, est également en grande partie née en Belgique avec des artistes comme Mark With A K ou encore Coone qui ont popularisé ces sonorités.
L’Italie a aussi su promouvoir notamment le Hardcore avec le label Hardcore Italia par exemple mais aussi et surtout le Hardstyle avec des artistes comme Technoboy, Zatox, Davide Sonar, The R3belz ou encore Tatanka. L’influence italienne était tellement présente aux débuts du Hardstyle qu’on distinguait à l’époque le Hardstyle néerlandais du Hardstyle italien. Si l’influence de l’Italie est indéniable au niveau purement musical, le pays n’a toutefois pas une communauté et une culture Hardmusic aussi développée qu’aux Pays-Bas et en Belgique. Il n’y a pas d’event majeur type Qlimax ou Defqon.1 dans ce pays. La Hardmusic en Italie, à l’image de la France par exemple, vit essentiellement par des associations ou des clubs, comme Sonic Solution ou Discoteca Shock, qui n’ont cependant pas la force de frappe d’un Q-Dance. Nous y reviendrons plus tard.
Quelle évolution pour la Hardmusic en 2018 ?
2018 a été globalement une grosse année pour la Hardmusic en Europe.
Un événement qui a eu lieu cet été a notamment marqué les esprits. Le 22 juillet dernier, Coone a été le premier artiste Hardstyle à mixer sur le mainstage du plus gros festival de musique électronique du monde, Tomorrowland.
La Hardmusic est présente depuis de nombreuses années dans les gros festivals européens de ce type notamment grâce à Q-dance qui a sa propre scène à Tomorrowland ou à Mysteryland. Mais on peut en voir aussi à Parookaville avec la scène du duo Da Tweekaz. La Hardmusic est également présente sur les mainstages de ce type d’events depuis plusieurs années déjà avec quelques artistes comme Tiesto, Hardwell ou encore Armin van Buuren qui finissent leur set avec du Hardstyle. Mais jamais un artiste Hardstyle n’avait pu jouer un set jusqu’à maintenant. Cela a d’un certain côté prouvé au grand public que le Hardstyle est un style de musique faisant partie intégrante de la musique électronique, pour ceux qui en doutaient encore.
On remarquera aussi que les acteurs Hardmusic comme Q-Dance ont été intégrés aux différentes soirées, conférences et masterclass de l’Amsterdam Dance Event cette année alors qu’auparavant la Hardmusic se retrouvait dans un événement à part, le Hard Dance Event.
On ne peut plus le nier désormais, la Hardmusic fait partie intégrante de l’Electronic Dance Music (EDM) au sens large.
Cela se ressent par exemple dans de nombreuses collaborations qui peuvent paraître surprenantes mais qui ont vu le jour cette année. Cela est visible avec Timmy Trumpet et ses collabs avec Sub Zero Project et TNT ou Radical Redemption qui fait des collabs avec Carnage et plus récemment avec Yellow Claw. Certains artistes se sont même totalement appropriés ce style comme Hardwell qui a joué un rôle déterminant depuis plusieurs années dans la diffusion de la Hardmusic en général, par exemple en finissant un set à Tommorowland avec du Hardcore ou clairement en produisant des tracks hardstyle comme Make The World Ours, entendue pour la première fois lors du Endshow à Defqon.1 2017.
Nous pouvons voir aussi l’influence de la Hardmusic dans le top 100 DJ MAG où il y a une stabilisation depuis 3-4 ans. Nous sommes loin des résultats de 2012 où il y avait 13 artistes représentés dont Headhunterz aux portes du top 10 mais il reste encore 7 artistes dans le classement dont deux dans le top 30, Headhunterz toujours et Angerfist. Le Hardstyle a donc résisté à l’explosion de genres comme la big room, la progressive house ou la future house ces dernières années.
Mieux que résister, on peut dire que le Hardstyle se nourrit de plus en plus d’autres genres comme le prouve l’apport de certaines sonorités dites Psytrance. Et d’un autre côté, le Hard alimente d’autres styles comme par exemple en Trance avec des artistes comme MarLo ou encore W&W qui vont chercher des kicks et des sonorités clairement à la limite de la Hardmusic.
On remarque qu’en fait la majeure partie des styles de musique électronique aujourd’hui s’alimentent entre eux et le Hardstyle en fait pleinement partie. Cela participe à l’énorme richesse de la musique électronique dans son ensemble.
Quant au Hardcore, il y a un véritable noyau dur de passionnés aux Pays-Bas et des communautés plus ou moins fournies et actives dans les autres pays d’Europe. Les events comme Dominator, Harmony Of Hardcore ou encore Masters Of Hardcore ont permis à la scène néerlandaise de se stabiliser en 2018. Angerfist et Miss K8 sont toujours les deux grosses têtes d’affiche qui continuent de faire connaître le Hardcore au grand public et en dehors des Pays-Bas.
Le Frenchcore a, quant à lui, explosé cette année aux Pays-Bas avec la percée de Sefa et Dr Peacock, avec un booking à la Qlimax pour le dernier et 18 morceaux dans le top 100 Masters Of Hardcore pour le premier, rien que ça.
Vers une overdose d’événements Hardmusic ?
Nous avons pu voir en 2018 que de nouvelles organisations et festivals émergent et se font une place de plus en plus importante dans ce milieu qui devient de plus en plus concurrentiel. On peut parler de Rebirth qui est devenu LE festival de début de saison ou surtout de Intents qui est clairement devenu une référence aux Pays-Bas et de plus en plus en Europe. On peut également citer Art Of Dance qui organise de plus en plus de soirées articulées autour de certains artistes comme Radical Redemption ou Warface. On a donc clairement aujourd’hui beaucoup d’events, essentiellement aux Pays-Bas et en Belgique, au point d’en avoir tous les week-end de l’année. La Hardmusic demeure plus que jamais incontournable dans ces pays et est plus que jamais un business. Cela oblige les grands promoteurs « historiques » comme Q-Dance ou b2S à retravailler leurs gros events comme Q-Base ou Hardbass pour pouvoir proposer de nouveaux concepts, surtout que ces events avaient du mal ces dernières années à être sold-out.
Nous sommes en droit de nous poser la question : n’y-a-t-il pas un risque d’overdose face à cet afflux de soirées et donc d’y voir toujours les mêmes artistes jusqu’à saturation ? Dans un passé pas si lointain, en-dehors des 2-3 events majeurs de Q-Dance, Bass Events ou b2s, il n’y avait pas forcément de festivals majeurs. Qlimax, Hard Bass ou encore Q-Base étaient de véritables événements très attendus. C’est moins vrai aujourd’hui, les concepts semblent usés et les line up déçoivent souvent car nous voyons les mêmes artistes tous les week-end dans plein d’événements. C’est pareil au niveau musical. Il y a de plus en plus d’artistes, des releases à foison mais beaucoup de sons se ressemblent et on peut avoir paradoxalement l’impression de tourner en rond malgré une offre en événements et en musique plus riche que jamais. La quantité a-t-elle supplanté la qualité ? Chacun aura son avis là-dessus mais la question mérite d’être posée.
Quid des autres pays d’Europe ?
Si nos propos jusqu’à maintenant concernaient surtout les scènes néerlandaises, belges et italiennes, qu’en est-il des autres pays européens ?
Commençons par le Royaume-Uni où il y a une scène Hardmusic assez peu développée. On peut quand même relever une scène “Keeping The Rave Alive” organisée par Kutski à Creamfields en Angleterre, un festival du même acabit qu’un Mysteryland. Notons que Kutski est un fier ambassadeur de la Hardmusic depuis des années dans le monde anglo-saxon et surtout outre-manche avec des dates un peu partout comme en Ecosse à Glasgow récemment.
Quant à l’Allemagne, il y a plusieurs événements majeurs dont Q-Base, Syndicate ou encore les événements du label de Brennan Heart, I Am Hardstyle. Il y a une communauté Hardstyle et Hardcore plutôt importante dans ce pays qui a une forte culture liée à la musique électronique, même si elle est bien moins développée que la communauté Techno ou Electro.
L’Espagne a une certaine culture de la musique électronique. La Makina, par exemple, sévissait dans les clubs il y a quelques années et il y a une scène essentiellement Techno bien développée aujourd’hui. Il manque cependant des artistes pour incarner une dynamique Hardmusic dans ce pays comme peut l’être un Brennan Heart en Allemagne par exemple. Cependant, de nombreux festivals se structurent depuis plusieurs années comme le Medusa Festival. L’Espagne pourrait bien être le nouvel eldorado de la musique électronique dans très peu de temps. La Hardmusic pourrait en tirer profit.
On peut également citer la Croatie qui a su profiter des richesses de son territoire et de son coût de la vie plus faible que dans les gros pays développés pour y développer un véritable tourisme de la fête, un peu comme à Ibiza. Ceci a permis à de nombreuses organisations et événements liés à la musique électronique de s’implanter. Il y a par exemple l’Ultra Music Festival chaque année et au niveau Hardmusic, le concept Hard Island ne cesse de prendre de l’ampleur d’année en année.
Il y a des événements et des artistes un peu partout dans les autres gros pays européens comme la Pologne ou encore la Suède. Ce sont des scènes assez petites qui sont essentiellement liées à de petites organisations qui sont le plus souvent des associations et qui n’ont pas la prétention ni les moyens de développer la Hardmusic tel un Q-Dance aux Pays-Bas. Mais elles permettent au Hard de vivre et de s’étendre sur le monde.
Le degré de maturité des pays en matière de musique électronique et d’organisation d’événements peut également représenter un frein conséquent dans le développement de la Hardmusic dans certains pays d’Europe. La musique électronique et les events font partie intégrante des cultures néerlandaises et allemandes avec la culture techno par exemple, c’est beaucoup moins le cas dans des pays comme la France ou certains pays d’Europe de l’Est.
Nous ferons un focus sur la France dans un autre article dédié.
La Hardmusic est bien implantée en Europe mais de manière inégale
Aujourd’hui, la Hardmusic est clairement implantée et reconnue en Europe dans l’univers de la musique électronique au point de ne presque plus être un genre à part entière.
Comme l’EDM, les organisateurs, DJs et promoteurs ont vu son succès grandir essentiellement aux Pays-Bas et en Belgique au point de se demander s’il n’y a pas un risque d’overdose et des risques business tout simplement.
Les autres pays européens se développent à leur rythme avec une dynamique très positive sur 2018 dans la plupart des pays du continent même s’il reste encore beaucoup à accomplir pour certains.
Rendez-vous très prochainement pour notre article dédié à la France !